Un peu d'histoire...
Source: Entre Doubs et Déssoubre en 1900, tome I, de Bernard VUILLET et Georges CAILLE
En 52 avant Jésus Christ, l’armée romaine envahit nos contrées et bouleverse le culte des druides présents à cette époque sur les hauteurs de ce qu’on appellera plus tard « Laval le Prieuré ». Les romains fondent alors le culte de Diane « déesse de la chasse ». Cette civilisation persiste jusqu’au Vème siècle. Puis vers l’an 600, des religieux envoyés par l’Abbaye d’Agaune établissent leur résidence sur la pente qui tombe vers la vallée du Dessoubre. Ils construisent un « prieuré » c’est-à-dire un lieu de prière. De là des moines partent évangéliser les populations disséminées sur le plateau.
Leur entreprise ne s’arrête pas à la prédication : ils favorisent en même temps les défrichements et le développement des cultures.
Les colons, attirés par les remises de cens, s’installaient dans le pays encore couvert de forêts et y créaient un « nouvel cerneux », c’est-à-dire un espace défriché apte à la culture et au pâturage. Novel Cerneuf 1463, Nouvel Cerneux 1531, Nouvel Cernu 1596, Nouvel Cerneus 1631.
Au Xème siècle, qui est une époque de troubles, l’Abbaye d’Agaune place ses possessions sous la protection de seigneurs laïques. Noel-Cerneux faisait initialement partie des terres de Vennes qui furent démembrées pour donner naissance à la seigneurie de Réaumont. Celle-ci fut inféodée par Hugues IV, comte de Bourgogne, à Anséri de Montréau (Réaumont) sa vie durant. A sa mort elle revint au seigneur de Montfaucon. Jean de Montfaucon, fils d’Amédée III, hérita des seigneuries de Vennes et de Réaumont à la mort de son père. De son mariage avec Agnès, fille de Renaud de Bourgogne, il eut Henri et Jeanne. Henri reçut Réaumont, Jeanne la seigneurie de Vennes qu’elle apporta en dote à Louis, comte de Neuchâtel. Des conflits sanglants s’ensuivirent entre es deux puissants seigneurs, jusqu’au traité du 3 mai 1337 qui accordait définitivement à Henri de Montfaucon, comte de Montbéliard, tous les villages qui formèrent la seigneurie de Réaumont. Dans ce traité, la chenalotte, Noel-Cerneux et le Barboux, partie du vent, sont désignés sous le terme d’appartenance des Attufiz.
La position géographique du village à proximité des cantons suisses et sur l’axe Montbéliard – Pontarlier, explique son histoire faite d’invasions et de destructions successives. De 1420 à 1444, Noel-Cerneux eut à souffrir des « écorcheurs » avant d’être envahi par les suisses en 1476. Les habitants se placèrent alors sous la protection du sénat de Berne en payant une redevance annuelle jusqu’à la fin du XVI ème siècle. En se dirigeant de St. Hyppolyte à Morteau, les soldats de Bernard de Saxe-Weimar incendièrent complètement le village le 14 janvier 1639. Le repeuplement fut difficile et, en 1657, le village ne comptait plus que 174 habitants contre 274 en 1593.
Sur le plan économique, l’activité essentielle de ce village est l’élevage. Puis en 1598, le ruisseau des belles Seignes acensé par la chambre des comptes de Dole à Daniel CHEVAL habitant de Noel-Cerneux, fit tourner plusieurs moulins et scieries. La guerre provoqua la destruction complète de ses installations qui furent reprises par J. DARPHIN qui s’engagea à rétablir les moulins, les rasses es maisons brûlées et ruinées de Noel-Cerneux. Les tourbières furent exploitées jusqu’au début du XXème siècle. L’église fut desservie par un vicaire du Bizot jusqu’en 1666, date à laquelle Jean Antoine MERCIER, premier prêtre résidant s’installa à Noël-Cerneux.
Une autre dénomination conserve la marque du passé lointain, c’est le surnom de « Grèlots » que portent les habitants. Il leur fut donné avant la révolution, au temps où les familles présentaient leurs nouveaux nés à la cérémonie du baptême dans des paniers d’osier, les « grès », utilisés dans la vie courante pour apporter la pâte de pain au four banal.
Le vieux moulin du village nous est bien connu, grâce aux paysages peints vers 1880 par l’artiste bisontin Emile ISEMBART. Une conduite suspendue, faite de troncs d’arbres évidés, apporte l’eau de l’étang jusqu’au dessus de la grande roue à aubes. Sur les mêmes rouages fonctionne aussi une scierie. En période de crue, le mouvement de la scie est assez puissant pour découper une à une les planches de sapin. Cet établissement n’est plus en activité à la fin du siècle dernier.
L’eau du bief poursuit son cours à travers le village, alimentant tour à tour deux fontaines où les habitants viennent s’approvisionner avec des seilles.
L’abondance d’eau dans ce ruisseau a sans doute été prise en considération pour la fixation d’un peuplement à cet endroit. Même lors des plus grandes sècheresses, comme celle de 1893, la source ne tarit pas et s’avère bien précieuse pour tous les villages d’alentour. C’est d’ailleurs ce point d’eau qu’on captera en 1926 pour alimenter la population du Russey.
Le pinceau de l’artiste décrit le village d’avant 1900, avec ses maisons aujourd’hui transformées ou disparues : la grosse ferme MARMET, percée de deux « tués » disparaît dans un incendie vers 1890 ; un peu plus haut se dresse l’ancien bâtiment de la cure dont les matériaux vont servir à construire sur le même emplacement le nouveau presbytère.
Le peintre a fixé sur la toile les activités des habitants. La traite du matin est terminée, les porteurs d’eau croisent le bétail qu’on mène à l’abreuvoir ; un homme fend son bois de chauffage à grands coups de hache, tandis qu’une paysanne en retard descend au chalet en poussant sa charrette.
LE REGARD DU PEINTRE
Emile ISENBART, né en 1846, est le fils d’un fabricant de meubles de Besançon. Il vit à la ville, mais en été, fait de longs séjours au Bélieu, où sa famille possède une ferme. Là, dès sa jeunesse, il parcourt la campagne, crayon à la main. Avec précision, il croque sur son carnet tel fond de vallée, tel sous-bois ou telle ferme.
La même observation minutieuse se retrouve dans ses tableaux ; il peint en respectant les détails du paysage avec la délicatesse d’une personne qui d’abord aime la nature franc-comtoise. Les tableaux réalisés sur le plateau du Russey reflètent bien cette intimité de l’auteur avec les scènes qu’il représente. Plusieurs de ses œuvres se rapportent aux tourbières.
Ce grand peintre franc-comtois expose régulièrement au salon de Paris de 1872 à 1914. « Naturaliste doublé d’un poète », tels sont les termes les plus souvent employés pour qualifier Emile ISENBART. Il meurt en 1921 dans sa ville de Besançon. Un certain nombre de ses œuvres, restées au Bélieu, sont pillées au cours de la guerre de 1939-1945 par les officiers allemands.
EXPLOITATION DE LA TOURBE
Sur le plateau du RUSSEY, existe un vaste secteur de terres marécageuses, où pousse le pin à crochets et où les grenouilles se prélassent dans une eau couleur rouille. Là, sur une épaisseur d’environ 3 m la tourbe recouvre le sol, procurant un gros apport énergétique aux communes environnantes : Noel-cerneux, le Narbief, le Bizot et le Bélieu. Tous les ans, au moment de Pâques, s’organise dans chacune de ses communes la distribution des parts de se combustible recherché. A chaque famille est amodié un lot comprenant quelques m2 de terrain à exploiter.
Les jours suivants, dès que le temps le permet, les villageois se rendent aux endroits désignés, aux Ouillotes ou au Belles Seignes pour les gens de Noel-cerneux, et se mettent au travail. La seigne, qui durant tout l’hiver est restée silencieuse et vide, retentit partout du labeur des hommes. Armés d’une pelle carrée, le « louchet », ils découpent dans la couche de tourbe les cubes ou « tarets » qu’ils disposent ensuite sur le sol un par un afin qu’il sèche au soleil.
Sur tout le front de taille, les travailleurs s’affairent en bras de chemise, du matin au soir. A midi, on mange sur place un repas tiré du sac. L’ardeur du soleil printanier accentuée encore par la réverbération a tôt fait de colorer les visages.
Après ces journées consacrées au découpage de la tourbe, il faudra encore revenir de temps en temps pour retourner les carrés et les exposer sur une autre face. Puis, vers la fin de juillet, une fois terminée la période des foins, la seigne se remplit à nouveau de villageois occupés à mettre en silo les quartiers de tourbe. C’est cette opération que le peintre a représentée. L’homme transporte les « tarets » dans sa brouette, tandis que l’épouse et sa fille les empilent en longs cônes évidés de façon que le vent continue son action de séchage. Un peu partout sur le terrain s’élèvent ces stèles noires et tristes à raison d’une ou deux par famille.
En septembre, enfin, les carrés sont suffisamment « coffés », durcis à l’air et au soleil ; une mince croûte en recouvre la surface. Les habitants viennent alors les chercher avec des voitures à cheval et les emportent jusqu’à la remise qui leur sert de réserve pour l’hiver.
Bientôt, quand la neige recouvrira bois et pâturages, les familles réunies autour du foyer apprécieront cette chaleur tirée de la terre et marquée par le soleil des beaux jours. Une épaisse fumée brune, échappée des cheminées, envahira le ciel et une odeur acre se répandra à travers le pays.
Toute la tourbe extraite du plateau n’est pas brûlée sur place. Certains exploitants achètent les lots délaissés par les autres, préparent la tourbe et la vendent aux citadins de Morteau, de Villers-le-Lac ou du Locle. Ces spécialistes de l’exploitation, assez nombreux à Noel-Cerneux, ont pour noms : Jean RAYMOND, MAIROT, CHOPARD-LAILLET
LES MARQUES DE LA REVOLUTION
Les maisons se font face de part et d’autre de la grande allée centrale. Le vieux menuisier Auguste GUINARD, dans son atelier, découpe, rabote et cloue les pièces de bois. Devant sa maison sèchent les planches dressées en faisceau. De l’autre côté de la rue, des tonneaux désignent la demeure d’un marchand de vin, Eugène CUENOT. Alors que paysans et artisans vaquent à leurs travaux, les mères de famille tiennent la maison ou, comme Mme Louise CHOPARD, sortent les enfants en bas âge.
Sur cette image où tout semble ne respirer que quiétude et harmonie, la statue de l’abbé TOURNIER abritée sous un rideau de verdure témoigne d’une époque où la crainte et la souffrance pénétrèrent dans chaque demeure. La France était en pleine révolution, les religieux traqués par les agents de pouvoir se cachaient dans les fermes du Haut-Doubs parmi la population catholique. Une pierre encastrée dans un mur de la ferme CHOPARD aurait servi aux prêtres réfractaires qui officiaient pendant cette époque troublée.
L’abbé Claude Ignace TOURNIER est de ceux-là. Ordonné depuis peu d’années, il continue d’exercer son ministère au mépris du danger. Il parcourt les paroisses de montagne, célèbre la messe au cours d’assemblées clandestines. Une nuit de juillet 1793, les jacobins de Morteau mettent la main sur lui et le conduisent à Besançon, où une commission militaire prononce sa condamnation. Le 8 octobre 1793, il est fusillé à Chamars sous les yeux de la foule.
Un siècle après cette terrible journée, le 8 octobre 1893, les habitants de Noel-Cerneux se souviennent. Le récit des événements s’est transmis à travers les générations. Mais voici que cette page d’histoire que l’on se raconte à la veillée d’hiver et que l’on croyait définitivement tournée, reprend de l’actualité en cette fin de XIXème siècle. La république anticléricale par sa lutte contre les ordres religieux semble annoncer des persécutions comparables à celles de l’époque révolutionnaire. La menace est ressentie ainsi par la population catholique de la montagne. Elle est présente à l’esprit de ceux qui commémorent le martyre de l’abbé TOURNIER. Les paroissiens de Noel-Cerneux et de ses environs vivent une sorte de mobilisation spirituelle au cours d’une cérémonie grandiose est fervente. Parmi le nombreux clergé présent à la célébration se trouvent trois prêtres, petits-neveux de l’abbé TOURNIER.
UNE DAME BIENFAITRICE
Le centre de Noel-Cerneux a cette gravité que confèrent les choses anciennes. Tout sur cette place parle d’un temps révolu, celui des générations précédentes qui ont bâti et reconstruit à plusieurs reprises l’église. Incendiée par les suédois en 1639, elle s’élève à nouveau grâce à la ténacité des paroissiens. Sous le règne de Napoléon Ier, le clocher est refait avec les pierres extraites par les gens du pays ; au dessus de l’entrée du porche, la date de 1807 et les initiales de François-Alexis CHOPARD, entrepreneur de Morteau, rappellent ces grands travaux. Des remaniements exécutés en 1840 donnent à l’église son aspect actuel.
Derrière le vieux tilleul planté au début de la révolution pour saluer l’ère nouvelle, une ferme encore plus âgée ne dépare pas au voisinage de l’église. Une belle arcade posée sur colonnades embellit sa façade. Cette ferme sera démolie vers 1970.
A côté de l’église se trouve l’école, d’où sort aux heures de récréation une bruyante bande d’enfants qui se répand dans la rue. L’enseignement des filles est donné par les sœurs de la Compassion. La commune ne pouvait pas mieux faire que d’appeler ces religieuses dont l’ordre prit naissance au Bélieu avec un groupe de jeunes filles de la contrée.
Jusqu’au début du siècle, les classes des filles et des garçons cohabitent sous le même toit. Mais à la suite des lois concernant les congrégations, les sœurs doivent quitter l’établissement public et ouvrent une école libre de filles dans la maison voisine.
Ce bâtiment était une ferme, devenue propriété de la paroisse depuis la donation effectuée par une veuve du pays et mentionnée par une plaque commémorative :
« Indigents de Noel-Cerneux, priez pour Jeanne-Baptiste LORNOF, veuve de Joseph DROGREZ. Elle vous a donné une portion du revenu de cette ferme. Morte dans le Seigneur le 12 juin 1863, à l’âge de 74ans ».
Depuis cette date, le conseil de fabrique de la paroisse gère les revenus de la ferme et en assure la répartition entre les pauvres. Après la Séparation des Eglises et de l’Etat en 1905, le bâtiment change de propriétaire tout en conservant son but de bienfaisance. Désormais, c’est la commune et non la paroisse qui administre les biens affectés aux pauvres. L’école libre, quant à elle se maintient dans le bâtiment.
DISTRACTION POUR LA CLIENTELE
Sur la route de Morteau au Russey, L’hôtel Balanche offre gîte et couvert à l’homme d’affaires venu passer commande dans les bourgades horlogères de région ou encore au marchand de bestiaux fréquentant les grandes foires du pays. Le train qui relie Morteau à Maîche apporte de temps en temps des clients à l’hôtel. Mais l’activité hôtelière ne suffirait pas à l’entretien de toute une famille. Paul Balanche fait à la fois épicier, marchand de farine et agriculteur. Quelques charrettes et machines agricoles, rangées sous le pont de grange, attendent de meilleurs jours pour servir.
Derrière le chalet de fromagerie est le rendez-vous des habitants des fermes qui deux fois par jour, apportent le produit de la traite. Avec la vente du bétail, le fromage constitue la production essentielle du village, la principale ressource des familles.
Le froid qui fait glacer l’eau du bief repousse les amateurs du jeu de quilles. Dès le retour de la belle saison, les hommes abandonneront les parties de tarot auprès du « poêle » pour se retrouver autour du jeu de quilles, haut lieu de la distraction et du rassemblement le dimanche après-midi. Les exclamations des joueurs et les encouragements des badauds couvriront le claquement de la boule en bois qui heurte les quilles et les fait voltiger.
A droite de l’hôtel, Mme Lina GROSPERRIN tient un café et une épicerie concurrente de celle de M. BALANCHE. Après 1918, la ferme est achetée par un facteur, Hippolyte BOBILLIER, originaire du Bizot. Tandis que son épouse vend au magasin, celui-ci s’en va par tous les temps distribuer les lettres à quelques km à la ronde.
Derrière le chalet de fromagerie est le rendez-vous des habitants des fermes qui deux fois par jour, apportent le produit de la traite. Avec la vente du bétail, le fromage constitue la production essentielle du village, la principale ressource des familles.
C’est bien cette constatation qui a amené l’abbé SAUNIER, originaire de la localité et toujours attentif aux besoins de ses compatriotes, à s’intéresser à la création d’une fromagerie à Noël-Cerneux. Comme la cure, le bâtiment de la fromagerie fut construit sur l’initiative et en partie avec les fonds de cet abbé qui était alors professeur au Grand Séminaire de Besançon.
Il ne s’en tint pas là : il incita les cultivateurs à se regrouper en une société de fromagerie sur le modèle des anciennes « fruitières », ces associations spontanées entre petits paysans d’autrefois pour mettre en commun le lait et salarier un fromager. Les sociétaires recoururent à des fromagers suisses allemands, réputés pour ce travail.
Il fallut résoudre le problème de l’eau, dont la fromagerie est grande consommatrice. On creusa près du bâtiment un puits profond pour capter les eaux souterraines. Plus tard, cette fosse sera maintenue comme réserve en cas d’incendie.
LA NEIGE ET LE FEU
Depuis les prés auxquels on accède par une « vie » ou chemin bordé de noisetiers, le promeneur embrasse d’un coup d’œil le village avec ses toits familiers regroupés autour du clocher.
Le rapprochement des maisons n’est pas sans inconvénients en cas d’incendie, comme celui qui ravage la ferme de Charles PARRENIN en 1917. Heureusement, ce jour-là, le feu ne se propage pas aux bâtiments voisins. De la ferme il ne reste plus que les murs de soubassement ; aux alentours les arbres fruitiers rappellent encore la vie qui égayait cette maison.
Les maisons de culture, bâties presque uniquement de bois et gorgées six mois sur douze d’herbe sèche et de paille, constituent une proie facile pour le feu. Une voiture de foin engrangée un peu trop tôt peut être à l’origine d’un sinistre.
Il est une contingence à laquelle les gens de la montagne ne peuvent pas se soustraire : la rudesse du climat.
L’hiver de 1906-1907, à cet égard, fait date et est relaté par nombre de documents. Ces énormes tas de neige témoignent des efforts des villageois pour se frayer un passage et vaincre l’isolement qui les menace. En cette année 1906, il ne se passe aucun mois sans que la neige ne fasse son apparition sur la région.
Plus que jamais les douaniers en poste dans les villages du haut-doubs ont à souffrir des inconvénients d’une affectation qu’ils n’ont pas toujours souhaitée. Souvent leurs familles les accompagnent. Les hommes effectuent leurs heures de services tandis que les épouses s’essaient au travail de l’horlogerie à domicile suivant l’exemple de la population locale.
COMMEMORATION
Le mercredi 17 octobre 1928, le village de Noel-Cerneux inaugure le monument dressé à la mémoire de ses soldats morts une dizaine d’années auparavant.
La plupart des communes n’ont pas attendu ce laps de temps pour honorer leurs fils disparus. Ici, l’élévation du monument s’est effectuée grâce à la générosité du chanoine Louis SAUNIER qui a pris tous les frais à sa charge. Ce prêtre, resté très attaché à son village natal, est une grande figure du clergé comtois, autant par son intelligence que son dévouement sans bornes. L’année même de son ordination, en 1875, il est nommé professeur au Grand Séminaire de Besançon. Il obtient le titre de docteur en théologie et occupe successivement les fonctions de Supérieur du Séminaire de Philosophie à Vesoul et de Supérieur du Grand Séminaire de Besançon.
La journée du 17 octobre 1928 est aussi la date des noces d’or de l’abbé MILLOT, curé de la paroisse, qui fête ses cinquante ans de sacerdoce. Tous ses paroissiens de Noel-Cerneux et de la Chenalotte, tous ses amis et parents ont reçu un faire part signé du maire, Férréol CUENOT, les invitant simultanément aux deux cérémonies.
A 10 heures, la population se rend en cortège à l’église où à lieu la messe solennelle célébrée en présence de nombreux prêtres de la contrée. Ensuite, tous les assistants se transportent auprès du monument aux morts. La bénédiction est donnée dans le recueillement général d’une foule qui se souvient et qui souffre des événements encore si proches.
Quand vient le moment de passer à table à l’hôtel BALANCHE, les visages se détendent et retrouvent leur jovialité naturelle. A l’issue du banquet, une photo souvenir rassemble les participants. Les femmes à l’exception de la sœur de l’abbé MILLOT, ont été exclues de la fête. Le nombre de prêtres est impressionnant.
A toutes les époques, le village de Noel-Cerneux s’illustra par des personnalités religieuses d’une trempe peu ordinaire. A cet égard, il n’est pas douteux qu’au cours du grand banquet de ce jour les convives aient évoqué le destin étonnant de leur compatriote, l’abbé Claude-François RECEVEUR.
Ce jeune homme, entré dans l’ordre des Cordeliers à Paris, réussit à se faire admettre comme aumonier à bord de l’Astrolabe, l’un des bateaux de l’éxpédition que le navigateur LA PEROUSE devait conduire autour du monde. Au hasard des escales, l’abbé RECEVEUR envoie à sa famille des lettres pleines d’observations sur les sites explorés et sur les populations rencontrées. Naturaliste passionné, il s’intéresse aussi bien aux minéraux et à la flore des pays visités qu’au mode de vie des indigènes. Au début de 1788, sur le sol australien, le téméraire comtois meurt dans des circonstances inconnues, sans avoir revu sa famille et son pays natal.